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La journée de colloque organisée au cœur de la Wallonie par le Centre Jean Gol a été l’occasion de dresser un tableau complet et sans concession des grands défis industriels de notre temps. Entourés de responsables politiques, de spécialistes du secteur, d’acteurs économiques majeurs et de représentants institutionnels, les participants ont exploré, panel après panel, toutes les facettes de l’industrie, de l’approvisionnement énergétique à l’intelligence artificielle, en passant par la formation, la transition écologique et l’autonomie stratégique de l’Europe.

Dès l’ouverture, les discours introductifs ont placé la barre haut : la Wallonie et la Belgique doivent non seulement suivre la cadence européenne mais aussi s’atteler à façonner avec audace leur propre avenir industriel. Un ton combatif et inspirant a servi de fil conducteur à cette journée, où la légitimité de la réindustrialisation ne faisait pas débat, mais où la question centrale était celle des moyens d’y parvenir concrètement.

Mot d’introduction par le président du Centre Jean Gol Georges-Louis Bouchez. À travers ses discours d’ouverture, le président a livré sa vision : l’industrie doit redevenir “la première priorité” de notre pays comme de l’Europe. Retrouvez son discours complet ici.

Panel 1 : Approvisionnement énergétique

Avec :

  • Damien Ernst, professeur à l’Université de Liège
  • Denis Dumont, CEO Tractebel & Chief Officer pour le périmètre Gaz, Energie et Nucléaire
  • Tom Claerbout, Depty Country Chair TotalEnergies Belgium, Managin Director
  • Mathieu Bihet, ministre fédéral de l’Energie

Dès le premier débat, la question de l’énergie s’est imposée en tant qu’enjeu vital, exposant la vulnérabilité de nos économies face aux crises géopolitiques et aux défis d’approvisionnement. Les participants ont insisté sur 2 constats structurants. D’un côté, la sécurité de l’approvisionnement, souvent compromise par des dépendances extérieures (gaz, pétrole, électricité) et la sous-capacité de la production nationale, a fait l’objet d’un diagnostic : il n’est possible d’assurer l’économie et la société que si l’on garantit en amont une production suffisante et stable, en s’appuyant sur l’existant (raffineries, réseaux) tout en accélérant la transition vers les énergies renouvelables et les technologies émergentes.

De l’autre, le débat s’est porté sur la question du prix. L’abordabilité de l’énergie, enjeu autant social qu’économique, est devenue une condition sine qua non pour la compétitivité industrielle et la protection du pouvoir d’achat des ménages. Des pistes ont été explorées pour réduire l’écart des prix entre la Belgique et ses voisins européens, tout en notant que la compétitivité énergétique est entravée par des charges fiscales et parafiscales persistantes ainsi qu’une fragmentation du marché. Toutes ces fragilités, accentuées par l’urgence climatique, imposent de penser l’avenir énergétique en matière de sécurité de l’approvisionnement, de diversité du mix (nucléaire, renouvelable, molécules vertes, gestion intelligente du réseau) et d’indépendance industrielle à long terme.

Panel 2 : Décarbonation – défis, opportunités et infrastructures

Avec :

  • Lionel Dubois, professeur à l’UMons
  • Vincent Michel, directeur de Go4Zero, Holcim
  • François Michel, CEO de John Cockerill
  • Stéphane Burton, CEO d’Orizio Group & CEO de Sabena Engineering
  • Cécile Neven, ministre régionale de l’Energie

Le deuxième panel s’est plongé au cœur de la transition verte, pierre angulaire de toute stratégie industrielle européenne moderne. Le fil rouge des interventions a été l’exigence de soutenir la décarbonation tout en maintenant une activité industrielle forte, compétitive et créatrice d’emplois sur le territoire. Il a été souligné que la réussite de l’industrie 2.0 dépend de la capacité à conjuguer ambition environnementale et maintien d’une base productive robuste.

Le débat s’est appuyé sur la nécessité d’investir massivement dans les infrastructures : transport d’électricité, réseaux de captage et de transport du CO₂, installation de nouvelles solutions énergétiques (hydrogène, captage carbone, projets de circularité). Seule une double transformation (technologique et politique) permettra à l’industrie de répondre aux exigences climatiques européennes sans s’exposer au risque de délocalisations. Sur ce point, l’importance d’un partenariat public-privé efficient, la clarification du cadre réglementaire, l’accélération de l’octroi de permis et la coordination européenne ont été mises en avant comme les leviers clés pour accélérer la décarbonation sans sacrifier la souveraineté industrielle ni la compétitivité.

Panel 3 : Formation, talents, emploi, pénurie , STEM, etc.

Avec :

  • Julien Compère, CEO FN Herstal & Browning
  • Céline Domecq, Director public affairs EU Central, Volvo car corporation
  • Bruno Van Der Linden, professeur à l’UCLouvain
  • Frédéric Panier, CEO d’Akt
  • Frank Van Gool, CEO de FEBIAC
  • Pierre-Yves Jeholet, vice-président de la RW, ministre de l’Economie, de l’Industrie, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation

Le troisième temps fort de la journée fut centré sur la formation, la pénurie de talents et la nécessaire adaptation des compétences au nouveau paradigme industriel. Sans main-d’œuvre qualifiée, aucune stratégie industrielle ne peut réussir. L’importance de réformer les filières qualifiantes, de valoriser les métiers techniques et de réduire les rigidités du coût du travail en Belgique a été au centre des échanges.

Le constat partagé est celui d’une inadéquation croissante entre l’offre de formation et la demande économique, exacerbée par la baisse du nombre de jeunes inscrits dans les filières techniques et industrielles. Les intervenants ont plaidé pour une refonte profonde de l’orientation scolaire, une modernisation des infrastructures de formation, un soutien accru à l’apprentissage en alternance et un investissement massif dans la formation continue et la requalification des travailleurs. L’enjeu n’est pas seulement de répondre à la pénurie actuelle, mais de préparer la Wallonie et la Belgique à accompagner les reconversions liées à la transition écologique et numérique, en adaptant en permanence les compétences aux mutations industrielles.

Panel 4 : Innovation, IA, digitalisation

Avec 

  • Professeur Nicolas Neyssen, UlG
  • Xavier Hormachea, Managing Director d’UCB
  • Laurence Mathieu, CEO de NRB
  • Bart Steukers, CEO d’Agoria
  • Geert Noels, économiste, essayiste et directeur Econopolis Group
  • Eléonore Simonet, ministre fédérale des Classes Moyennes, des Indépendants et des PME

La transformation numérique et l’intégration de l’intelligence artificielle ont occupé la scène du quatrième panel, qui a mis en lumière les défis mais aussi les promesses de l’accélération technologique. Les discussions ont souligné que le succès de l’innovation n’est jamais garanti : la majorité des initiatives IA en entreprise peinent à atteindre leurs objectifs faute de vision stratégique claire, d’accompagnement au changement et de maturité organisationnelle.

Sans négliger les gains d’efficacité et de compétitivité, les intervenants ont insisté sur la nécessité d’une culture d’entreprise favorable à l’expérimentation et à l’adoption des nouvelles technologies, d’un accompagnement spécifique des PME, et d’un cadre réglementaire coordonné au niveau européen pour garantir l’innovation tout en maîtrisant les risques éthiques et sociaux (inclusion, impact humain, durabilité). L’écosystème belge (infrastructure, recherche, clusters industriels) a été cité comme une force unique, apte à positionner la Wallonie et la Belgique en leaders dans les sciences, la pharma, la digitalisation industrielle, si et seulement si l’investissement reste conséquent, régulier, et bien orienté.

Panel 5 : Autonomie stratégique, enjeux européens et internationalisation

Avec

  • Amid Faljaoui, chroniqueur et journaliste, Directeur de Trends/Tendances et Directeur du Cercle d’affaires Wallonie-Bruxelles
  • Geoffrey Close, CEO de Prayon
  • Philippe Kheren, CEO de Solvay
  • Alain Quevrin, CEO de Thalès
  • Philippe Giaro, Senior Research Officer​, GeMMe – Georesources, Mineral Engineering & Extractive Metallurgy
  • David Clarinval, vice-premier ministre, ministre fédéral de l’Emploi, de l’Economie et de l’Agriculture

Le dernier débat a élargi la perspective, en inscrivant la réflexion industrielle dans la dynamique géopolitique et l’enjeu de souveraineté européenne. La pandémie, la guerre en Ukraine, la pression chinoise et les incertitudes américaines agissent comme autant de « wake-up calls » sur la vulnérabilité des industries européennes : dépendances chroniques dans certains secteurs (énergie, composants critiques, semi-conducteurs, cybersécurité, approvisionnement minier) et poids d’une ouverture commerciale asymétrique.

Le panel a insisté sur la nécessité de redévelopper des chaînes de valeur européennes, d’investir dans les infrastructures stratégiques (mines, réseaux électriques, usines de production de composants critiques), de renforcer la compétitivité et d’assurer une vraie politique industrielle européenne : plus cohérente, mieux financée, coordonnée avec les priorités nationales et régionales. Les intervenants ont aussi souligné le rôle central de l’innovation, pointant le risque de trop céder à la facilité de l’importation au détriment de l’investissement dans la R&D et de la prise de risques technologiques.

Mot de clôture par le président du Centre Jean Gol Georges-Louis Bouchez : la journée s’est conclue sur l’appel à une véritable autonomie stratégique : énergétique, industrielle, technologique et numérique. Cela suppose de repenser l’ouverture commerciale, de renforcer les partenariats publics-privés et de stimuler la mobilité des talents, y compris extra-européens, pour pallier les pénuries et renforcer le leadership industriel du continent. Retrouvez son discours complet ici.

Notre conclusion : la réindustrialisation en Wallonie et en Europe ne se décrète pas, elle se construit à travers des politiques coordonnées, des investissements massifs, une mobilisation des talents et une gestion résolue de la transition énergétique et numérique. Si le chemin demeure ardu, le colloque a démontré que la volonté, l’expertise et la vision sont bel et bien présentes pour écrire le futur industriel du territoire, au service de la souveraineté, de l’emploi et de la prospérité collective.


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