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Voici le second tome de cette volumineuse trilogie en l’honneur de la tradition intellectuelle du libéralisme. Il est entièrement consacré à plusieurs grands ouvrages classiques d’auteurs appartenant aux « Lumières libérales ».

Le libéralisme n’est pas une théorie qui serait née subitement dans le cerveau d’un auteur isolé. C’est avant tout une pratique, un ensemble de principes et une conception de l’homme et du monde qui ont été théorisées, conceptualisées, systématisées au fur et à mesure de leur apparition et de leur application dans la vie quotidienne.

Même si les Etats-Unis furent, avec la Grande-Bretagne, l’un des premiers pays à expérimenter le libéralisme, la genèse de cette doctrine est fondamentalement européenne. La richesse de cette tradition s’explique en effet par la diversité de ses sources. Le choix des auteurs de ce second tome témoigne à suffisance de la largeur du spectre. Les Lumières libérales françaises sont représentées par Etienne de La Boétie et Benjamin Constant. Deux auteurs anglo-saxons, en l’occurrence un Irlandais (Edmund Burke) et un Ecossais (Adam Smith) représentent le mouvement qu’on qualifie généralement du nom de « Lumières écossaises ». Un Allemand, Wilhelm von Humboldt, père du système universitaire allemand, représente le célèbre mouvement de l’Aufklärung.

Avec Adam Smith naissent simultanément l’éthique libérale et l’économie politique moderne. Pratiquement tous les concepts économiques actuels apparaissent à cette époque. Etienne de La Boétie est l’un des premiers à inaugurer la théorie du contrat social. Benjamin Constant définit la liberté des Modernes relativement à celle des Anciens. Par son opposition radicale au bonapartisme et par sa conviction que le commerce va remplacer la guerre, c’est l’un des premiers artisans de l’Union Européenne. Ce courant libéral s’oppose à la composante radicale des Lumières qui inspira, elle aussi, la Révolution française. C’est également contre ce courant philosophique à tendance totalitaire, que réagit Edmund Burke et que naît le libéralisme conservateur. Eminent représentant des Lumières écossaises, Burke insiste sur la nécessité de réformer intelligemment la société en procédant par étapes. Wilhelm von Humboldt aborde le libéralisme sous un autre angle, celui du perfectionnement de l’homme : le libéralisme est le vecteur du libre développement des facultés de l’homme (Bildung) et l’Etat doit promouvoir ce développement en s’abstenant d’étouffer ou d’affaiblir la force, l’originalité et la créativité des citoyens.

La méthode adoptée par Corentin de Salle consiste à restituer fidèlement l’intégralité de l’argumentation de chacun des auteurs. C’est un exercice exigeant qui nécessite de fréquentes clarifications et l’adoption d’une langue contemporaine pour permettre au lecteur d’aujourd’hui de goûter toute l’actualité de ces grands textes.

La majeure partie de l’ouvrage est consacrée à la synthèse de la Richesse des Nations d’Adam Smith. Cette synthèse ne fait pas moins de 300 pages. La raison en est que cette oeuvre monumentale d’une densité exceptionnelle totalise plus de 1200 pages et contient cinq livres qui, s’ils avaient été édités séparément, auraient probablement exercés la même influence que l’ouvrage publié dans son entier. La Richesse des Nations fut un succès de librairie lors de sa parution mais il faut bien reconnaître que presque plus personne ne lit désormais cet ouvrage. Il est rare, dans les travaux académiques ou autres publications, de lire des phrases commençant par « Comme l’affirme Adam Smith » ou « Contrairement à ce qu’affirme Adam Smith ».

C’est dommage, parce que cet auteur aborde une quantité stupéfiante de sujets et formule beaucoup de vérités intemporelles. Il existe quantité de publications sur Adam Smith et les autres auteurs abordés ici. Mais la présentation de leurs oeuvres est toujours partielle et orientée. La plupart des commentateurs ne reprennent, dans l’oeuvre d’un auteur, que ce qui les intéresse. Le but de cette trilogie est précisément de combler cette lacune et d’attirer l’attention de tous sur la richesse de cette tradition injustement méconnue. Corentin de Salle part d’un postulat libéral : toute personne est capable de réfléchir par soi-même. En restituant l’intégralité des arguments contenus dans un ouvrage, en respectant l’ordre des chapitres et en laissant au lecteur le soin de juger sur pièce, ce livre est un précieux outil pour les professeurs, les chercheurs, les étudiants et toute personne désireuse de réfléchir sur le libéralisme.

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