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Nous vivons une nouvelle course aux ressources. Pour produire des voitures électriques, des panneaux solaires, des batteries, des éoliennes ou encore des semi-conducteurs, l’Europe a besoin de métaux critiques. Beaucoup plus qu’aujourd’hui. Et, pour l’instant, elle dépend massivement de la Chine, du Chili ou de la RDC pour les obtenir.

La Belgique, comme la Wallonie, n’échappe pas à cette réalité. Ce mardi 1er juillet, à l’occasion d’une conférence de presse à Blegny-Mine, le Centre Jean Gol a présenté une étude ambitieuse posant une question directe : faut-il rouvrir les mines en Belgique ?

« Nous avons délocalisé notre pollution, mais aussi notre pouvoir de décision », explique Corentin de Salle, directeur du Centre Jean Gol. Car aujourd’hui, l’Europe importe plus de 80 % de ses métaux critiques. Les terres rares, par exemple, proviennent à 90 % de Chine. Et ce sont elles qui permettent de miniaturiser les composants électroniques, de produire des aimants pour éoliennes ou des batteries performantes.

« Quand l’Europe dit : passons à l’électrique, elle oublie que 45 % de la chaîne de valeur des voitures électriques dépend de la Chine. C’est de la folie furieuse », précise Georges-Louis Bouchez, président du MR. « On préfère que la Chine exploite dans des conditions que nous refuserions ici, plutôt que d’envisager de produire localement, proprement et durablement. »

Extraire en Europe ne signifie pas répéter les erreurs du passé. L’étude du CJG démontre qu’une exploitation minière moderne est possible. « Aujourd’hui, nous pouvons modéliser l’ensemble du cycle de vie d’une mine, recourir à des technologies propres, réduire l’impact visuel et environnemental, et restaurer les lieux en fin d’exploitation », explique André Tahon, co-auteur du rapport. En Wallonie, des gisements sont connus : plomb-zinc à La Calamine, phosphates dans le bassin de Mons. Eric Pirard, professeur à l’ULiège, ajoute : « On a été des pionniers mondiaux avec le zinc. Aujourd’hui, la diversité géologique européenne reste un atout. Il faut juste les outils pour aller plus en profondeur. »

L’Union européenne a adopté en 2024 le Critical Raw Materials Act, qui impose que 10 % des besoins en métaux critiques soient extraits en Europe d’ici 2030. « Si on ne fait rien, on ne respectera pas cet objectif. C’est pourtant une obligation stratégique », insiste Georges-Louis Bouchez. « Et si nous n’agissons pas, nous resterons dans l’illusion d’une économie circulaire incomplète. »

Le MR propose une feuille de route. Il faut clarifier le cadre institutionnel entre Fédéral et Régions, car les minerais ne s’arrêtent pas aux frontières linguistiques.

Il faut lancer un Observatoire fédéral des matières stratégiques pour connaître nos ressources et anticiper les besoins. Il est essentiel de lancer des projets pilotes d’exploration, notamment à La Calamine ou à Mons, et d’adapter le Code minier wallon pour permettre des exploitations modernes et encadrées.

Il s’agit aussi de stimuler l’innovation dans le « responsible mining », en investissant dans l’automatisation, la robotisation, l’écoconception. Enfin, il faut explorer les nodules polymétalliques sous-marins, au lieu de les interdire par principe.

Aujourd’hui, le meilleur moyen pour la Chine de nous faire la guerre, c’est de ne plus nous approvisionner en terres rares, avertit Georges-Louis Bouchez. L’objectif, c’est de rouvrir des mines en Wallonie, si possible rapidement. Pour ce faire, il faudra commencer par étudier nos sols, changer le cadre légal et soutenir les entreprises prêtes à innover. La Wallonie a été une région minière. Elle peut redevenir une région stratégique. Mais à une condition : oser regarder sous nos pieds, avec lucidité, ambition et responsabilité.

La présente étude a été portée et rédigée par Corentin de Salle, directeur du Centre Jean Gol, Rémy Leboutte, collaborateur au Centre Jean Gol et André Tahon, manager en exploration minière (DAL Mining Investment Co. Ltd.) dans son dernier poste, maintenant à la retraite.

Elle a bénéficié des conseils précieux, des corrections et de la documentation du professeur Eric Pirard, Professeur ordinaire en Ressources minérales & Economie Circulaire (ULiège) mais aussi de Sophie Decrée, géologue au Service Géologique de Belgique et éditeur responsable de “The Critical Raw Materials Atlas of Belgium” (2024), de Vanessa Heyvaert, professeur de géologie à l’Université de Gand et directrice du Service Géologique de Belgique, de Philippe Giaro, manager de sociétés minières, géologue chercheur à l’Université de Liège, Jean Tytgat, Director Government Affairs EU-Benelux d’UMICORE, d’Alain Bernard, ex-CEO de DEME et président du Conseil d’Administration de GSR (Global Sea Mineral Ressource), de Philippe Kheren, Chief Executive Officer chez Solvay et de Stéphane Neyrinck, directeur général du Centre Terre & Pierre asbl.

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