En matière d’arts et de culture, l’idée d’un Etat neutre est indissociablement liée à l’idéal démocratique. Penser une culture de tous, par tous, pour tous revient à réfléchir aux voies et moyens publics et privés de protéger, défendre et promouvoir une liberté de conceptions et de sensibilités artistiques et esthétiques et, dès lors, leur pluralité et leur plus grande diversité. L’idée de laïcité, en tant que principe politique, vise les relations entre l’Etat et l’ensemble des convictions que celles-ci soient religieuses ou non. Elle garantit une liberté de conscience et partant, une liberté artistique et culturelle. En outre, elle nous invite à penser les contours d’un Etat neutre dont l’action culturelle serait impartiale. Ce principe vise à favoriser et préserver un esprit de concorde au sein d’une société où chaque citoyen puisse s’épanouir et jouir des libertés culturelles sans immixtion étatique ni privilège destiné à l’un ou l’autre courant religieux ou convictionnel.
La culture ? Quelles(s) culture(s) ? En premier lieu, il est indispensable de s’interroger sur le sens accordé au mot culture car deux conceptions s’opposent radicalement, paraissent difficilement (ré)-conciliables et orientent clairement les choix de politiques culturelles. D’une part, la culture comme source d’émancipation individuelle et citoyenne. Une forme d’éducation permanente qui permet à l’Homme de cultiver son humanité, ses humanités en développant constamment sa capacité à devenir différent à soi-même. C’est précisément en son sens libérateur que la culture joue un rôle décisif dans l’idéal d’un monde commun à tous3. A l’inverse, une conception identitaire de la culture en tant que trait caractéristique collectif, qui pousse à devenir identique à d’autres et porte en elle l’écueil d’une vision figée et immuable. Bien que cet antagonisme soit présenté ici succinctement et schématiquement, l’on perçoit rapidement qu’il questionne le fondement de toute politique culturelle. L’Etat doit-il dire au peuple qui il est ?
Cette contribution envisage deux axes de rencontre entre le principe de laïcité et les politiques culturelles. Premièrement, le principe de laïcité sera considéré de manière inclusive, afin de prendre en considération l’ensemble des convictions – tant religieuses qu’artistiques ou esthétiques – et posera la question d’une nécessaire séparation de la culture et de l’Etat. Deuxièmement, il s’agit d’identifier quelques axes qui guideraient un Etat neutre vers une action culturelle impartiale.